Dans l'article précédent "Pourquoi les enfants aiment leurs jouets ?", nous avons examiné la relation d'attachement entre les enfants et leurs jouets et énuméré les raisons pour lesquelles une telle relation existe. Parmi ces raisons nous avons compté : la découverte de nouvelles opportunités d'apprentissage, développement des compétences en résolution de problèmes, nourrissement d'une imagination vivante, développement des compétences sociales, et gestion des émotions. Dans cet article, nous allons aborder cette relation du point de vue des spécialistes de développement. Les psychologues du développement proposent des théories qui construisent un guide de réflexion à la croissance et à l'apprentissage de l'enfant, et à la motivation qui influence la pensée et le comportement humain. Pour mieux comprendre comment les enfants se rapportent à leurs jouets et comment cela affecte leur développement cognitif , il est nécessaire d'avoir une meilleure compréhension de ces théories.
Les paliers d'acquisition: la théorie de Jean Piaget
Le développement cognitif fait référence aux changements à long terme des processus mentaux tels que la mémoire, le langage, la raison, l'apprentissage, l'intelligence, la résolution de problèmes, la prise de décision, la perception et l'attention. Et l'une des approches les plus connues du développement cognitif est la théorie des stades cognitifs du psychologue suisse Jean Piaget. Selon Piaget, l'apprentissage procède par l'interaction de deux mécanismes : l'assimilation - ajustement de nouvelles expériences pour s'adapter aux concepts construits antérieurement, et l'accommodation - ajustement des concepts antérieurs pour s'adapter aux nouvelles expériences. La combinaison de ces deux mécanismes est ce qui conduit à un développement à long terme en initiant des changements élémentaires qui se produisent au cours de différents stades commençant de la naissance jusqu'à la fin de l'adolescence. Ces stades sont ce que Piaget a appelé "stades de développement" et les a nommés comme suit : (1) le stade de l'intelligence sensorimotrice - de la naissance juqu'à l'âge de 2 ans , (2) le stade de la pensée préopératoire - de 2 ans jusqu'à l'âge de 7 ans, (3) le stade de la pensée opérationnelle concrète - de 7 ans jusqu'à l'âge de 11 ans, et (4) le stade de la réflexion opérationnelle formelle - à partir de 11 ans.
Durant le stade de l'intelligence sensorimotrice, les nourrissons « pensent » au moyen de leurs sens et de leurs actions motrices. Ces actions leur permettent d'organiser progressivement leurs sensations et de se représenter et construire des concepts simples d'objets et d'événements. Durant le deuxième stade, le stade de la pensée préopératoire, les enfants font l'expérience d'événements nécessitant un traitement métacognitif. Un exemple de ceci sera le « jeu dramatique » dans lequel les enfants seront capables de penser à deux niveaux à la fois, l'un imaginatif et l'autre réaliste. Durant le troisième stade, le stade de la pensée opérationnelle concrète, les enfants deviennent capables de se représenter des idées et des événements de manière plus flexible et logique, et commencent à développer des compétences en résolution de problèmes. À cet âge, ils seront en mesure de réfléchir aux étapes d'un processus dans n'importe quel ordre, d'analyser différentes approches et perspectives, et seront capables de se décentrer et de se concentrer sur plus d'un aspect de problème à la fois. Enfin, à partir de l'âge de 11 ans, les enfants seront en mesure de raisonner non seulement sur des objets et des événements tangibles, mais aussi sur des idées hypothétiques ou abstraites au cours du stade de la réflexion opérationnelle formelle. Durant ce stade, les enfants commenceront à développer un raisonnement hypothétique qui les aidera à manipuler des idées qui varient sur plusieurs niveaux, et seront prêts à traiter davantage les problématiques scientifiques.
Apprentissage social: la théorie de Bandura
La théorie de l'apprentissage social, proposée par Albert Bandura, met l'accent sur l'importance d'observer, de modéliser et d'imiter les comportements, les attitudes et les réactions émotionnelles des autres. Cette théorie avance que les facteurs environnementaux et cognitifs interagissent pour influencer l'apprentissage et les comportements humains. Les facteurs environnementaux facilitent ce que Bandura a appelé « l'apprentissage par observation » qui est un processus par lequel les enfants prêteront attention aux modèles dans leur environnement ( les parents au sein de la famille, les personnages à la télévision, les amis au sein de leur groupe de pairs et les enseignants à l'école), puis imitent leurs comportements dans le but d'interagir et d'apprendre. Ce processus d'apprentissage est canalisé par des « processus médiationnels » qui sont des processus cognitifs qui interviennent pour déterminer si et quand une nouvelle réponse est exigée. Ces processus cognitifs selon Bandura sont : l'attention - un processus cognitif qui forme une représentation mentale du comportement, la rétention - un processus cognitif qui forme une mémoire du comportement observé, la reproduction - la capacité cognitive à utiliser différentes compétences afin d'exécuter le comportement mémorisé, et la motivation - la volonté d'exécuter le comportement prévu.
La théorie de l'apprentissage social est aujourd'hui une source d'inspiration pour les psychologues cognitifs qui font actuellement avancer une nouvelle théorie « la théorie sociale cognitive». La théorie sociale cognitive souligne le rôle important des émotions et des fonctions cognitives dans l'apprentissage social, tout en expliquant comment celles-ci affectent le comportement des individus et suscite la réponse de l'environnement. Cette théorie postule alors une relation déterministe réciproque entre l'individu (émotions et expériences individuelles), son environnement, et son comportement. Ces trois éléments interagissent dynamiquement et réciproquement les uns avec les autres pour former la base du comportement, et prédire les interventions potentielles nécessaires en cas de changement. Appliquée au développement de l'enfant, cette théorie propose le jeu comme étant le mécanisme par lequel les enfants apprennent et mettent en pratique de nouvelles compétences, et intériorisent de nouvelles idées. Grâce à ce processus continu, les premières compétences engendrent de nouvelles et les nouvelles expériences s'intègrent avec les précédentes. En étant conscient de ceci, les parents seront en mesure de choisir intentionnellement des jouets pouvant répondre aux besoins et aux intérêts spécifiques de leurs enfants selon leurs âges. Ces jouets, tel que expliqué par les experts, auront le rôle de soutenir leur apprentissage, donner un sens à leurs expériences et promouvoir une exploration plus approfondie.
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